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Sep, 2022
Patrimoine Durable, des journées du patrimoine qui interrogent !
Samedi 17 et dimanche 18 septembre, l’Europe entière célébrera ses monuments historiques sous le thème du « Patrimoine Durable ». Ces vestiges du passé sont-ils appelés à participer à cette transition écologique (et donc durable) décidée par obligation ? Ou faut-il voir dans cette thématique un rappel du sens même de patrimoine ?
Dans quelques jours, les journées européennes du patrimoine, traditionnellement programmées le 3ème week-end de septembre, attireront des millions de visiteurs pour (re)découvrir des édifices, des sites ou même des meubles hérités du passé. Comme chaque année, ce qui est devenu comme l’un des plus grands rendez-vous des citoyens avec leur héritage donnera lieu à de multiples articles de presse et autres dossiers Web, mettant en avant l’ingéniosité de nos aïeux, la connaissance époustouflante que les anciens pouvaient détenir sur les matériaux de construction, les techniques d’édification, …, les mystères de certains de ces monuments historiques si chers à Prosper Mérimée, le génie humain (ou du christianisme pour Chateaubriand), …Les européens s’émerveilleront donc, le temps d’un week-end , pour leur propre patrimoine. Ces JEP, comme on les dénomme souvent, constituent à elles-seules une pierre de notre héritage national. Quand en 1984, le ministre de la Culture de l’époque, M Jack Lang, lance cette opération, il ne pouvait s’attendre à ce que dès l’année suivante, le Conseil de l’Europe lui emboite le pas. Organisée sur la seule journée du dimanche à l’origine (et jusqu’en 1992), la journée Portes Ouvertes deviendra en 2000 les Journées européennes du patrimoine. Aujourd’hui, plus de 50 pays font de cette date un temps fort pour mettre en avant leur passé. En France, ce sont plus de 15.000 lieux, qui accueilleront le public dans toutes les régions et 22.000 animations sont d’ores et déjà prévues.
Pendant plusieurs jours, de nombreux journaux mais aussi d’innombrables sites Internet décortiqueront ce patrimoine pour étancher la soif de savoir et de culture, que fait naître l’opération. Et pour cette 39ème édition, le thème retenu pour l’ensemble des pays participant à cette manifestation est plus que jamais d’actualité : « Le patrimoine durable ».
Le patrimoine durable, une évidence ?
Durable, le patrimoine ne l’est-il pas par nature, puisqu’il est parvenu jusqu’à nous. Le Mont Saint Michel ou encore la cathédrale de Fréjus ne sont—ils pas par essence durables puisqu’ils nous racontent, à leur façon, une partie de notre passé ?
Faut-il rappeler que si cette notion même de patrimoine a fait couler beaucoup d’encre, elle suppose cette durabilité, lien indéfectible entre les générations ? Nous ne sommes que les dépositaires de ces monuments historiques, qu’il nous faut protéger pour pouvoir les transmettre, à notre tour, aux générations futures. Cette obligation de protection et de transmission constitue la base de la politique patrimoniale de l’État, même si cette dernière tend à laisser les initiatives privées se substituer à la force publique.
Durable, le patrimoine l’est de moins en moins pour certains ? Les réseaux sociaux et autres forums voient se multiplier les groupes de défense du « petit patrimoine », mis en danger et menacé de disparition. Mais ce « vandalisme » à l’égard de ce qui nous appartient existe depuis longtemps, et Louis Réau s’en alarmait déjà en son temps. Que dire de nos ancêtres, qui, à l’époque médiévale, construisaient leurs villes et villages avec les pierres, dont les romains se servirent pour ériger aqueducs, forums et autres théâtres ? Que penser de ces monarques, dont l’une des premières missions étaient d’effacer la trace aussi illustre soit-elle de leurs prédécesseurs en faisant détruire leurs monuments ? Plus proche de nous, que penser de ces municipalités, qui privilégièrent le développement économique de leur ville à la protection patrimoniale, quitte à édifier un centre commercial en faisant recouvrir des vestiges antiques ? La durabilité serait donc une notion à géométrie variable et ce « vandalisme patrimonial » un levier d’ajustement. Peut-on, dans ces conditions, souligner cette temporalité longue ?
Durable ou aléatoire, quel avenir pour les monuments historiques ?
Peut-on parler de durabilité, quand l’aléatoire s’invite à la table des architectes de la défense des édifices anciens ? Parce qu’entretenir, protéger, restaurer et transmettre ces vieilles pierres coûte cher, la France a ainsi imaginé le « Loto du patrimoine ». Si les joueurs peuvent espérer décrocher le gros lot en « faisant une bonne action », les autorités, elles, tirent au sort les édifices, qui profiteront de cette manne tant attendue. Certes, il ne s’agit pas d’un véritable tirage au sort, mais cela pose la question de la valeur de ces biens à protéger. Qui peut s’arroger le droit de définir ce qui mérite d’être défendu et transmis, de ce qui peut être laissé à l’abandon voire même détruit ? De nombreux auteurs, tous plus savants les uns que les autres, se sont déjà essayés à répondre à cette interrogation. Des tentatives restées vaines jusqu’ici, et pour laquelle, ces quelques lignes n’entendent pas résoudre.
On ne peut pas tout protéger. Le credo est connu et justifierait donc un désengagement des pouvoirs publics de certaines situations. Les édifices exceptionnels ne sont bien évidemment pas concernés par ce genre de questionnement, et la tour Eiffel n’attend pas ce 3ème week-end de septembre pour attirer les curieux et les amateurs de ces trésors du passé. Puisque les monuments historiques doivent être protégés (c’est un devoir moral), il faut donc trouver des sources de financement. En devenant un lycée au début des années 1960, la chartreuse de Bosserville illustre les nouvelles destinations de certains de ces édifices. En étant réutilisés, les monuments historiques peuvent continuer à durer même si, bien souvent, ce réemploi empêche tout un chacun de pouvoir les visiter. Cette réutilisation des monuments historiques peut aussi poser question à cette durabilité. Quand une ancienne abbaye cistercienne créée en 1115 devenue prison doit à nouveau trouver une nouvelle destination, le ministère de la culture se tourner vers …un appel à projet. L’abbaye / prison de Clairvaux va donc devoir se réinventer pour durer, et quand 4/5ème des 50.000 m2 de bâti sont protégés au titre des monuments historiques, cela rend la durabilité plus …incertaine.
Nous aurions pu faire durer cette énumération, interrogeant le thème 2022 de ces journées du patrimoine. Mais c’est bien une autre durabilité qui est mise en avant, comme le souligne la ministre de la culture, Mme Rima Abdul Malak, dans sa présentation de l’évènement : « (…) l’enjeu contemporain de durabilité s’est accéléré avec le changement climatique. »
Le patrimoine historique, un socle pour un avenir durable ?
L’été 2022, ressenti par beaucoup comme une accélération du dérèglement climatique, serait donc un excellent prélude à ce week-end du 17 et 18 décembre 2022. Alors que l’on peine à atteindre les objectifs fixés en matière de rénovation énergétique ou que les constructions « Basse Consommation » posent encore un certain nombre de problèmes, on souhaiterait donc interroger ces édifices du passé sur des dérèglements, dont nous sommes les seuls responsables.
Faudrait-il s’appuyer sur l’ingéniosité romaine, exprimée à l’aqueduc de Jouy aux arches pour prendre conscience que l’eau reste l’un des biens les plus précieux ? Ou revisiter les maisons d’antan, pensées pour se protéger à la fois des rigueurs hivernales et des excès de température en été ? …
N’est-ce pas cette connaissance des pierres, que la ministre de la culture appelle de ses vœux en écrivant : « Premiers maillons de sensibilisation à la culture, les patrimoines, modestes ou grandioses, sont riches d’enseignement pour bâtir un avenir durable. »
A moins que cette édition des journées européennes du patrimoine ne soit l’occasion de relancer le débat sur l’illumination de nos monuments historiques la nuit, un choix énergivore et inutile à en croire certains ? Pourraient alors découler de ces questionnements d’un autre temps une autre interrogation : que faire de ces spectacles son et lumière qui se multiplient et projettent sur les façades de nos monuments des spectacles grandioses (certes) mais souvent sans lien avec le monument historique, censé être mis en valeur ? Ces questionnements ont-ils conduits au choix du thème 2022 ? On peut légitimement en douter, d’autant plus que cette scénarisation de nos édifices concourt à la dimension économique du patrimoine historique. Les églises, châteaux, abbayes, phares, lavoirs, …. participent à l’attractivité touristique (et don économique) d’un territoire. En ce sens, ce patrimoine durable apparait alors aussi parfois comme un patrimoine consommable, même si on peut douter de la parfaite conciliation de deux tenants si opposés en apparence. Peut-être une idée pour une prochaine édition de cette célébration des monuments historiques : Durable ou consommable, quelle place pour le patrimoine historique ?